Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis doit tenir compte des problèmes de durabilité, met en garde le CESE

Le 14 mars, le Comité économique et social européen (CESE), le Bureau de plaidoyer pour le commerce équitable (FTAO) et le Global Competition Law Centre du Collège d’Europe ont organisé une conférence en ligne sur la politique de concurrence et la durabilité sociale afin de poursuivre le débat sur la manière dont les initiatives conjointes en matière de durabilité peuvent être compatibles avec le droit de la concurrence.

Les chaînes d’approvisionnement mondiales actuelles se caractérisent souvent par des déséquilibres de pouvoir, une répartition inéquitable de la valeur et une lutte sans relâche pour produire des biens à bas coût. Il en résulte un nivellement par le bas qui fait peser une charge énorme sur l’environnement et les moyens de subsistance des citoyens.

Au fil des ans, le droit de la concurrence a eu un effet d’organisation positif crucial sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Aujourd’hui, il est appelé à répondre à de nouvelles préoccupations: tenir compte de la durabilité et contribuer aux objectifs du programme de développement durable à l’horizon 2030.

Traditionnellement, les objectifs fondamentaux de la politique de concurrence étaient de promouvoir une utilisation efficace des ressources tout en protégeant la liberté d’action économique des différents acteurs du marché. Toutefois, elle a également permis d’atteindre un certain nombre d’autres objectifs tels que le pluralisme, la décentralisation de la prise de décision économique, la prévention des abus de pouvoir économique, la promotion des petites entreprises, de la justice et de l’équité, et des valeurs sociopolitiques. Ces objectifs tendent à varier d’une juridiction à l’autre et au fil du temps, reflétant la nature changeante de la politique de concurrence dans la mesure où elle répond aux préoccupations actuelles de la société.

La politique de concurrence devrait faciliter, et non entraver, la transition vers la durabilité, laquelle ne devrait laisser personne de côté! Cela est essentiel si nous voulons parvenir à mettre en place un pacte vert et social pour l’Europe, a souligné Peter Schmidt, président de la section NAT du CESE, dans ses observations liminaires.

Pour parvenir à un développement plus durable, toutes les politiques ont leur rôle à jouer

La réglementation et la législation apportent des réponses essentielles à des questions critiques de durabilité telles que le changement climatique ou la violation des droits de l’homme. À cet égard, la proposition législative de la Commission sur le devoir de diligence des entreprises en matière de durabilité confère une responsabilité accrue aux acteurs du marché.

Dans ce contexte, la coopération et la collaboration entre les entreprises sont souvent des conditions préalables de première importance pour atteindre l’échelle nécessaire et relever les défis dans ce domaine. Si, dans de nombreux cas, certaines entreprises vont déjà collectivement au-delà de la législation existante, il semble qu’un consensus croissant se dessine autour du fait que les entreprises n’osent souvent pas collaborer davantage avec leurs concurrents par crainte d’enfreindre le droit de la concurrence.

La révision des règlements d’exemption par catégorie applicables aux accords horizontaux et des lignes directrices y afférentes constitue donc une initiative politique importante, car elle clarifie pour les entreprises les conditions dans lesquelles elles peuvent coopérer avec leurs concurrents, ce qui entraîne des avantages économiques et durables substantiels, en ce compris un soutien à la transition numérique et écologique, a souligné Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive, au début de la procédure de consultation, le 1er mars 2022. Olivier Guersent, directeur général de la DG COMP de la Commission européenne, a attiré l’attention lors de la conférence sur le fait que le droit de la concurrence n’était toujours pas le remède à tous les problèmes. Toutefois, il est important qu’il n’entraîne pas une charge trop lourde en ce qui concerne les questions environnementales.

La durabilité sociale et la sécurité juridique devraient constituer l’épine dorsale des nouvelles règles révisées

La politique de concurrence doit contribuer activement à la réalisation des objectifs climatiques et environnementaux de l’UE. À cet égard, il importe que l’autorisation de mesures étatiques pour la promotion de l’économie circulaire et des énergies renouvelables ne néglige pas les aspects sociaux, a expliqué Giuseppe Guerini, rapporteur du CESE pour deux avis sur ce sujet.

Nous ne devons pas oublier la dimension sociale de la durabilité, car elle est étroitement liée aux questions environnementales. Alex Assanvo, secrétaire exécutif de l’Initiative cacao de la Côte d’Ivoire et du Ghana, a clairement indiqué que nous devons accepter que bon nombre des problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui résultent en réalité de la pauvreté. Nous avons tendance à nous intéresser directement aux conséquences au lieu de rechercher les causes profondes et d’y remédier, ce qui, pour nous, passe par la garantie pour les agriculteurs de bénéficier aujourd’hui d’un revenu décent afin qu’ils puissent nous aider à réaliser la transition.

Sergi Corbalan, directeur exécutif du FTAO, a appuyé cette idée en déclarant que: Des revenus de subsistance peuvent permettre aux agriculteurs d’appliquer des pratiques commerciales plus respectueuses de l’environnement, un effort qui est beaucoup plus difficile à réaliser pour eux et qu’il est injuste d’attendre de leur part s’ils ne perçoivent pas un revenu décent.

Pour adopter des lignes directrices adaptées, qui tiennent pleinement compte de la durabilité, nous devons nous remettre mutuellement en question, agir de manière concrète et garantir la meilleure sécurité juridique possible pour les entreprises. La difficulté réside dans la mise en pratique des décisions, comme l’a souligné Marjolein De Backer, du cabinet Dechert LLP et avocate pro-bono pour le FTAO: D’une part, les entreprises font valoir qu’elles ont besoin de lignes directrices pour exposer les risques, mais, d’autre part, les autorités continuent de dire qu’elles ont besoin de disposer d’un plus grand nombre de cas pour fournir des orientations claires.

Contexte

L’article 101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après le «traité») interdit les accords entre entreprises qui restreignent la concurrence, à moins qu’ils ne génèrent des gains d’efficacité, conformément à l’article 101, paragraphe 3, du traité. C’est le cas pour les accords qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou des services, ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte. L’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, du traité couvre, entre autres, les accords conclus entre concurrents actuels ou potentiels (dits «accords horizontaux»).

Les règlements d’exemption par catégorie applicables aux accords horizontaux (règlements d’exemption pour les accords de recherche et de développement ou «REC R&D» et accords de spécialisation ou «REC Spécialisation») exemptent de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, du traité, les accords de R&D et de spécialisation pour lesquels on peut présumer avec suffisamment de certitude qu’ils remplissent les conditions de l’article 101, paragraphe 3, du traité. Les lignes directrices de la Commission concernant les accords de coopération horizontale fournissent à celle-ci des orientations contraignantes pour l’interprétation des règlements d’exemption par catégorie applicables aux accords horizontaux et l’application de l’article 101 du traité à d’autres accords horizontaux.

Le 1er mars 2021, la Commission européenne a publié son projet de lignes directrices horizontales révisées, ainsi que les deux projets de règlements d’exemption par catégorie applicables aux accords horizontaux révisés (le règlement d’exemption par catégorie pour les accords de recherche et de développement et le règlement d’exemption par catégorie pour les accords de spécialisation), et a invité les parties intéressées à présenter leurs observations dans le cadre de la consultation publique qui se tient jusqu’au 26 avril 2022.

Les nouvelles règles et lignes directrices horizontales révisées entreront en vigueur le 1er janvier 2023 (étant donné que les règlements d’exemption par catégorie applicables aux accords horizontaux actuels expireront le 31 décembre 2022).

Avis du CESE:

INT/959 — Rapport sur la politique de la concurrence 2020: souligne l’importance d’adapter et d’ajuster la politique de concurrence de l’Union aux évolutions sociales et économiques.

INT/971 — Une politique de concurrence adaptée aux nouveaux défis (en cours, adoption prévue en mai 2022)

INT/981 — Règles en matière d’aides d’État applicables aux services d’intérêt économique général (SIEG) dans le domaine des services sociaux et de santé dans un scénario d’après-pandémie. Réflexions et propositions sur l’évaluation de la Commission visant à modifier le paquet législatif de 2012 (en cours, adoption prévue en juillet 2022)

NAT/843 — «Ajustement à l’objectif 55»: atteindre l’objectif climatique de l’UE à l’horizon 2030 sur la voie de la neutralité climatique

NAT/811 — Programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2030

SC/53 — Ne laisser personne derrière lors de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030