Un statut européen pour les associations et les ONG— une reconnaissance attendue de longue date par la société civile

Alors que les demandes renouvelées d’établir des normes communes à l’échelle de l’Union européenne pour les ONG et les associations se multiplient, les organisations de la société civile placent tous leurs espoirs dans le nouveau statut européen des associations, qui conférera à ces dernières, ainsi qu’aux ONG, une reconnaissance au niveau de l’Union, et leur permettra d’exercer leurs activités par delà les frontières, un droit dont elles ne jouissent pas actuellement, contrairement à leurs homologues à but lucratif.

Quinze ans après la dernière tentative infructueuse d’élaborer des règles régissant le fonctionnement des organisations de la société civile et d’utilité publique au niveau de l’Union, les institutions européennes se préparent à relancer une initiative visant à adopter le statut des associations européennes, qui devrait garantir l’égalité de traitement à toutes les ONG dans l’ensemble de l’UE, quel que soit leur lieu d’intervention ou leur mode de financement.

À l’appui de ces efforts, le Comité économique et social européen (CESE) rédige actuellement un rapport d’information sur le sujet. Pour alimenter le débat, le CESE a organisé une audition sur un statut européen pour les associations et les ONG, qui a réuni des députés au Parlement européen et des universitaires, ainsi que des représentants du Conseil de l’Europe, de la société civile et des organisations philanthropiques.

Nous essayons de lancer le débat sur l’établissement du statut. Les organisations de la société civile ont été les principaux promoteurs du projet européen. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est une reconnaissance européenne, sous la forme d’un statut européen pour les associations et les ONG, qui permettrait l’organisation collective de la société civile, à l’instar de ce qui existe pour les partenaires sociaux, a déclaré Ioannis Vardakastanis, auteur du rapport, qui a ouvert l’audition.

Sergey Lagodinsky, député au Parlement européen, a soutenu les demandes d’adoption du statut et présentera prochainement sa proposition pour un nouveau droit européen d’association au Parlement européen. Il s’agit notamment d’une proposition de directive qui définirait des normes européennes communes pour les organismes à but non lucratif (OBNL) et d’une proposition de règlement qui établirait un statut pour les associations européennes.

Le statut proposé permettrait non seulement d’harmoniser les normes à l’échelle européenne, mais aussi de créer un système réglementaire supplémentaire établissant certains principes importants, tels que la non-discrimination et la mobilité. Les ONG pourraient ainsi changer de siège, travailler par delà les frontières et devenir des ONG européennes et non seulement nationales.

Une autre question importante concerne la définition commune de l’intérêt public au niveau de l’Union européenne, un concept qui est relativement similaire dans les différents systèmes juridiques nationaux. Cette définition éviterait aux ONG d’être traitées arbitrairement sur la seule base de leur financement.

La proposition relative au traitement des OBNL devrait combler le fossé entre les règles régissant leurs activités et celles qui s’appliquent aux entreprises commerciales.

Nous avons des entreprises européennes et des coopératives ou groupements d’intérêt économique européens, mais, jusqu’à présent, nous n’avons pas eu l’occasion de créer une réglementation pour les Européens qui souhaitent exercer une activité non lucrative, a déclaré M. Lagodinsky.

Son initiative a été saluée par les organisations philanthropiques européennes, qui expriment depuis longtemps leur mécontentement quant au fait qu’elles ne bénéficient pas des mêmes conditions de concurrence que les entreprises commerciales dans l’UE.

Le marché unique s’applique pleinement aux entités à but lucratif, mais pas à notre secteur. On pourrait supposer qu’une fondation d’utilité publique étrangère serait immédiatement reconnue dans un autre État membre, mais ce n’est pas le cas, a déclaré Hanna Surmatz, du Centre européen des fondations (CEF), une plateforme de premier plan pour la philanthropie en Europe.

Par exemple, les fusions transfrontalières sont très difficiles pour les fondations et les organisations reconnues d’utilité publique, contrairement à celles qui poursuivent un but lucratif. Les législations nationales ne contiennent que très peu de dispositions qui les concernent et la législation européenne ne leur est pas applicable. Le transfert du siège statutaire est tout aussi compliqué et oblige souvent les OBNL à se reconstituer dans un autre pays.

La proposition a également été accueillie favorablement par les organisations de la société civile qui, selon Alexandrina Najmowicz, directrice du Forum civique européen, ne jouissent pas de la reconnaissance qui leur est due pour le rôle qu’elles jouent dans la société et la démocratie et sont souvent prises entre l’État et le marché.

Nous ne pouvons que soutenir cette initiative. Il est très souhaitable de disposer d’un instrument juridique qui conduira à une meilleure définition de normes communes, lesquelles sont absolument indispensables dans des pays où l’espace dévolu à la société civile est de plus en plus restreint et où la société civile est en première ligne dans la lutte pour les droits de l’homme. Nous avons vraiment besoin d’une reconnaissance juridique et administrative, mais aussi d’une reconnaissance politique, a-t-elle déclaré.

Lors de l’élaboration du futur statut, il conviendra également d’accorder une attention particulière aux critères que doivent remplir les organisations pour être considérées comme des associations européennes.

Le Conseil de l’Europe, par exemple, accorde un statut participatif aux ONG qui respectent ses valeurs et ses principes, disposent d’une structure et d’une gouvernance démocratiques, sont représentées au niveau européen ou sont en mesure de porter les travaux du Conseil au plus proche de la société, a déclaré Mary Ann Hennessey, cheffe de division à la direction générale de la démocratie au Conseil de l’Europe. Anna Biondi, directrice adjointe du bureau des activités pour les travailleurs (ACTRAV) de l’OIT, a déclaré que les partenaires sociaux qui participent à la Conférence internationale du travail de l’OIT peuvent contester la nomination d’organisations non représentatives.

Les efforts actuellement déployés pour adopter un statut ne sont pas nouveaux. Selon Oonagh Breen, professeure de droit au University College de Dublin, en dépit de nombreuses tentatives institutionnelles visant à adopter une réglementation d’habilitation pour les OBNL, seule une a abouti: le statut de la société coopérative européenne, adopté en 2003.

La dernière proposition de règlement relatif au statut des associations européennes remonte à 1991. Elle a été modifiée en 1993, uniquement pour être retirée en 2006, sous prétexte qu’il était peu probable que ladite proposition progresse davantage dans le processus législatif ou qu’elle avait perdu tout intérêt.

Or l’intérêt n’a jamais disparu; il s’agit là d’un manque de volonté politique, a déclaré Mme Breen. Une proposition, fût-elle la meilleure, peut échouer dans la dernière ligne droite. Le dernier obstacle à franchir a souvent été le vote à l’unanimité au Conseil: sa dernière victime a été le statut pour une fondation européenne, retiré en 2015.

Jean-Marc Roirant, ancien membre du CESE et expert pour le rapport d’information de M. Vardakastanis, a pensé que cette fois, les choses pouvaient être différentes: Le contexte actuel semble plus favorable à la recherche d’une solution. Cette période est difficile, mais il y a davantage de volonté.